Performance sonore et théâtrale en bistrot.

Des tables et des chaises, un public éparse.
Une ambiance de café, de la musique, le patron et des clients, des bières ou des jus de fruits. 

Une voix s’élève à la table voisine, on tourne la tête, il n’y a pourtant personne. Plus loin, on entend une conversation intime entre amies, et l’autre là, semble déjà aviné. 

On est distrait par une femme et son enfant qui rit. Un homme réagit à l’autre bout du café. On tourne à nouveau la tête. 

Ils sont assis et parlent, mais les corps ont parfois d’autres discours. Et puis, l’alcool agit… 

Heureuses ou misérables, créatrices ou destructrices, les ivresses sont toujours libératrices, transgressives ; célestes ou infernales, elles conduisent outre-terre, au-delà.

Alain Rey in « Pourvu qu’on ait l’ivresse ».

 

Public dès 16 ans
Environ 50 minutes

© Ambroise Héritier

Conception et écriture
Mélanie Lamon

Jeu
Diane Albasini 
Elise Taiana
Bernard Sartoretti
Frédéric Lugon
Mélanie Lamon
Timéo Solioz / Moïra Chapuisat (en alternance)

Voix additionnelles
Olivier Werner
Marie-Emmanuelle Perruchoud
Thomas Laubacher
Françoise Gugger
Alexandre Werner

Ingénieur du son et régie technique
Romain Bousquet

Costumes
Justine Chappex

Regard extérieur et musiques
Gil Valery

 Production
Ananki Cie

 Avec le soutien de
État du Valais – Encouragements des activités culturelles
Loterie romande
Ville de Sion
Bourgeoisie de Sion
Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature
Espace Parallèle

Merci à Katy Grange, Studio Syssex, Simon et Isa et le Café des Châteaux, le Teatro Comico, Le Grand Café de la Grenette et l’Espace Parallèle.

Ce seigneur visible de la nature visible (je parle de l’homme) a voulu créer le Paradis par la pharmacie, par les boissons fermentées, semblable au maniaque qui remplacerait des meubles solides et des jardins véritables par des décors […].

Charles Baudelaire in « Du vin et du haschich »

Note d’intention
Les prémices de ce spectacle sont nées il y a quelques deux ans, en étape de recherche sonore sur le projet Sécheresse. Une envie de travailler avec l’art sonore pour créer une illusion scénique au profit d’un propos autour de l’ivresse. Je voyais les tables d’une terrasse, écoutais des conversations éparses et me remémorais des soirées bien arrosées où la distorsion du temps était parallèle à celle du son.
Quelques temps plus tard, ces idées aux contours non définis devenaient une envie de traiter du sujet du bistrot, de la fête, de l’ivresse, de l’alcoolisme et des rêves oubliés dans le fond d’un verre.
Le théâtre se mêlerait ainsi à l’art sonore pour rendre un point de vue sociologique ou psychologique, un regard doux à ce que l’on cherche dans la vie du café.
Il ne s’agit pas de juger les buveurs, les noceurs, les solitaires en mal d’amis, les oisifs joyeux ou toute personne assise dans ce lieu commun, public et privé, mais d’entrer secrètement dans leurs intérieurs pour voir ce qui les animent à l’heure de l’apéro. D’y trouver la joie, le sublime, la recherche d’ivresse au-delà de l’alcool, l’envie de partager avec les autres un instant suspendu dans nos vies.

L’essentiel dans l’ivresse, c’est le sentiment d’intensification de la force, de la plénitude. C’est ce sentiment qui pousse à mettre de soi-même dans les choses, à les forcer à contenir ce qu’on y met, à leur faire violence : c’est ce qu’on appelle idéalisation.

Friedrich Nietzsche in « Crépuscule des idoles, Flâneries inactuelles ».

Heureuses ou misérables, créatrices ou destructrices, les ivresses sont toujours libératrices, transgressives ; célestes ou infernales, elles conduisent outre-terre, au-delà.

Alain Rey in « Pourvu qu’on ait l’ivresse »

Création pluridisciplinaire
La compagnie poursuit sa recherche autour de la « spatialisation » sonore. Après Sécheresse (fiction sonore à la scène), Okno (performance en façade), Les Chroniques des pistes de ski en été (bruiteuse sur scène et surrounding en salle) BlackOut propose d’occuper l’espace d’un café, avec ses tables et chaises, dans un nouveau concept sonore.
Il est donc bien question d’occuper l’espace d’un vrai café, de travailler avec sa lumière, son architecture, sa mise en espace, et d’adapter la performance aux commerces partenaires.
La conception du spectacle dans un café offre la possibilité de poser les arts vivants en dehors de l’institution. On pousse plus facilement une porte de bistrot que celle d’un théâtre et y montrer une proposition artistique accessible et particulière est un pas (de plus) vers l’échange avec le public.
Le croisement entre le jeu d’acteur, le mouvement comme un langage propre, le travail sonore et la recherche scientifique, psychologique et sociale autour de l’alcool permettent d’ouvrir le champs d’observation de la vie de café. Quitter le jugement sur le buveur, la dilettante, la solitude « pathétique » pour accéder aux désirs intérieurs, aux manques étrangement ‘symptômatisés’, aux rêves d’un autrement et proposer une vision de l’ivresse au sens large du terme, comme quête du sublime.

Dramaturgie
Le café, le bistrot, le troquet, le bar ou le tea-room ont cela en commun qu’ils représentent un sas entre deux mondes ou deux instants. Il est le lieu que l’on fréquente avant d’aller ailleurs ou après être allé quelque part. On s’y arrête en sortant du boulot et avant de rentrer chez soi, on y attend l’heure exacte du rendez-vous chez le médecin, on s’y échappe un soir de solitude entre deux livres plus ou moins passionnants.
En tant que tiers-lieu, il représente aussi l’agora contemporaine où l’on peut échanger en dehors des lieux de pouvoir. Il est une sorte de tribune libre, où les gens ont laissé leur uniforme pour parler de ce qui les animent vraiment. Une alcôve de confidence, mais peut-être aussi un proscénium anti-conformiste où l’on défend ses idées auprès de ceux que l’on ne côtoie pas dans l’arène politique.
Le café est une grande pièce où chacun se déplace à sa guise, quitte sa table pour aller serrer la main d’un tiers, il est une sorte de représentation ‘micro’ des allées et venues entre les gens.
Le son occupe différentes places ; il est diffusé d’une source précise à la place très exacte d’une personne qui est là ou qui est absente ; il envahit l’espace lorsqu’il porte le discours intérieur d’un personnage ; il se distord lorsqu’il représente un espace rêvé et ‘sublimé’ ; il devient l’ivresse du public mêlé aux performeurs et finalement il fait vivre un instant d’ambiance d’un café réel et imaginé.
Le public est en effet placé aux tables du café, buvant à qui veut, du vin, de la bière, un jus d’abricot, il est les autres que l’on ne connaît pas, devant qui parfois on s’expose, on représente. Il est le témoin des soûlographies de certain.e.s et le juge à qui l’on cherche à attendrir le coeur.
Les performeurs sont assis à certaines tables prévues à cet effet, l’un d’eux est le patron, il fera son travail durant tout le spectacle.

Le moment de l’apéro, notion tardive dans l’histoire de l’ivresse, possède des limites imprécises. Il est entre le jour et la nuit, entre chien et chat, entre le moment de l’activité et celle du repos. Un entre-deux lui aussi. Ce que l’on cherche parfois en se rendant au café, c’est ‘faire une pause’ dans sa journée ou sa semaine. Ce moment se veut une bulle, un temps suspendu, un échappatoire à la linéarité du temps.
Celui-ci est au centre de certaines préoccupations inconscientes lorsque l’on boit de l’alcool de façon régulière. Souvent, le besoin de ‘légèreté’ assimilée à la consommation alcoolisée est un doux euphémisme pour parler d’une nécessité d’échapper au temps, à la mort, à la peur de la fin du temps. Cette relation au temps dans le prisme de l’ivresse revêt un paradoxe fondamental : échapper au temps, à la mort tout en s’y précipitant parce que l’alcool laisse des empruntes indélébiles sur le corps et sa longévité.
D’un point de vue de la recherche de l’ivresse au sens large du terme (ivresse non-alcoolisée), le temps est épinglé en dehors d’une progression. Mircea Eliade disait dans Histoire des croyances et des idées religieuses que ‘le voyage extatique constitue un retour « au commencement de toutes choses » ; en se délivrant du temps et de l’espace, l’esprit retrouve l’éternel présent qui transcende la vie aussi bien que la mort.’ Cette confusion ou cette recherche détournée d’ivresse dans l’alcool raconte elle aussi ce besoin d’éternité.

L’ivresse citée à plusieurs reprises se déploie lorsqu’on entre dans les intérieurs des ‘personnages’, lorsque le temps s’arrête et permet les idées non avouées, les rêves ou les échappatoires de la situation. L’ivresse se découvre dans l’onirisme, dans l’intense partage du moment mais aussi dans l’alcool. Elle s’oppose cependant à l’alcoolisme qui ne possède plus les fondements du rêve, ni parfois même celui de la vie. Choisir l’ivresse me permet de ne pas dépeindre une fresque sociale sombre sur les « ivrognes », mais de chercher ce qui anime les gens, ce qu’ils cherchent sourdement ou parfois bruyamment. Ces deux notions, ivresse et alcool, opposent aussi le rêve et l’oubli, le paradis artificiel et le vivre ou être ensemble. Mais je constate une sorte de corrélation ou de transfert à l’intérieur même de ces notions.

Le son prend en charge l’instance dramaturgique qu’est le temps. En lui donnant une couleur, un mouvement dans l’espace, il permet de quitter la linéarité naturelle du temps ; il constitue une bulle lorsqu’il suggère l’espace intérieur d’un ‘personnage’ dans le sens où la rêverie ne subit pas les mêmes lois que le réel. Il permet d’avancer dans l’heure imprécise de ce moment Apéro en augmentant notamment son volume pour signifier l’avancée dans la griserie.

Les gens
Que se soient les jeunes filles en mode binge drinking, l’homme politique à l’alcool mondain, la mère et son fils, tous en commun, des rêves enfouis, un besoin d’être présent à l’autre.
Glissant de juge à sauveur, au fond d’eux surgissent des paradoxes. La joie d’être ensemble, de fêter légèrement se mue parfois, sous l’effet de l’alcool, en une succession de dialogues sourds, chacun roulant dans son tunnel. Celui qui offre la tournée nous offre aussi un cri intérieur, sa peur viscérale de l’échec, son besoin tu d’amour inconditionnel. La mère qui regarde son enfant, celle qui fait une pause s’échappe à elle-même, se noie pour oublier… Sans poser le jugement drastique sur l’ivrogne, les bulles intérieures des rôles, leurs envolées « lyriques » me permettent d’ouvrir sur la souffrance, sur la manoeuvre pour échapper au sérieux, sur la démission volontaire face au poids du vivre dans les règles et les codes, face à l’échec rappelé à tout instant.

Si au bout de l’ego, il y les Autres, au bout de l’ivresse il n’y a que l’ego, la solitude, la sacrée solitude.
Alain Rey in « Pourvu qu’on ait l’ivresse »

Nécessités techniques
Le lieu idéal est donc un café, avec sa propre scénographie et un éclairage suffisant. La compagnie est autonome d’un point de vue technique.
La compagnie a besoin d’avoir accès au bar et à la salle une journée entière afin d’adapter le spectacle au lieu.
Il faut donc compter au minimum une journée de montage et adaptation. Le démontage se fait à l’issue de la représentation, nous avons besoin d’environ une heure pour que le café soit opérationnel pour sa fonction première. Et une heure supplémentaire pour quitter les lieux.

La compagnie rencontre en amont les responsables du café ou du foyer du théâtre pour s’organiser. Les points suivants sont à discuter.
– Déplacements de quelques tables et chaises ;
– Accès à quelques outils du bar ;
– Prévision du câblage sonore, branchement ou non sur le système son du lieu ;
– Organisation pour la réservation des tables pour le spectacle si le café est ouvert le jour de la représentation ;
– Définition d’un espace faisant office de loges.

La compagnie prévoit une personne pour le placement du public et le top de départ.
Les portes sont fermées le temps de la représentation.
Le public sera servi comme tout client avant la représentation.